En zone agricole, est-il possible de perdre ses droits acquis?

Lors de l’entrée en vigueur de la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles, le lot de la requérante était utilisé à des fins commerciales et possédait donc des droits acquis.  On retrouvait sur le lot des installations d’antennes radio AM ainsi que des infrastructures. Toutefois, en 2007, la station de radio passe à la chaîne FM et le système AM ne sert plus à rien. En 2009, les antennes sont enlevées ainsi que ses équipements électroniques. Seules les infrastructures sont laissées en place, soit un réseau de fils de cuivre souterrain, des courroies, des tuyaux, quatre (4) bases d’antennes et six petits bâtiments en béton.

Selon la Commission de protection du territoire agricole du Québec, la requérante a perdu ses droits acquis et a émis en conséquence un avis de non-conformité. Selon elle, on doit interpréter de manière restrictive la loi parce qu’elle participe à la réalisation de l’objet de la loi qui est de protéger le territoire agricole. De plus, elle soumet que la couverture végétale change de caractère et devient de nature agricole lors de la cessation des activités commerciales en 2009.

Selon la requérante,  elle n’a pas perdu ses droits acquis puisqu’il n’est pas possible de cultiver la portion de la terre où se trouve les fils de cuivre, car ils sont enfouis trop près de la surface du sol. De plus, la couverture végétale est nécessaire pour l’usage non agricole en place, car les fils doivent conserver leur humidité et qu’il est possible de remettre en fonction tout le système au profit d’une autre station de radio. Il faut mentionner qu’autant avant qu’après la cession des activités en 2009, il y avait une couverture végétale sur la grande majorité de la superficie du lot.

Afin d’en arriver à une conclusion, le Tribunal reprend les propos d’un arrêt de la Cour d’appel qui mentionne que « l’abandon de l’utilisation autre que l’agriculture donne à la couverture végétale déjà existante un caractère nouveau, un effet particulier. […]l’abandon ne suffit pas, à lui seul, à lui faire perdre le droit acquis à telle utilisation, mais lorsqu’en plus l’emplacement est laissé sous couverture végétale pendant plus d’un an, ce droit est éteint ». La Cour d’appel vient donc établir le principe qu’une même couverture végétale peut changer de nature (commerciale vs agricole).

Dans le présent dossier, le Tribunal est d’avis que la loi vise à protéger et à récupérer les terres agricoles et que les droits acquis constituent des usages dérogatoires. Il y a donc lieu d’interpréter restrictivement les exceptions accordées par la loi.  Le Tribunal conclut que la cessation des activités commerciales sur le lot a eu pour effet de changer la nature de la couverture végétal de commerciale à agricole.  Ainsi, la combinaison du caractère nouveau de la couverture végétale et de la cessation de l’utilisation non agricole du lot pendant plus d’un an a fait en sorte que le droit acquis commercial de la requérante est éteint.

Lire la décision : https://www.canlii.org/fr/qc/qctaq/doc/2017/2017canlii64773/2017canlii64773.html?autocompleteStr=STE-Q-215379-16&autocompletePos=1