Une personne peut-elle invoquer une atteinte à sa vie privée si une photo professionnelle d’elle-même, publiée sur sa propre page Facebook, est par la suite utilisée par d’autres personnes?

En mai dernier, la Division des petites créances de la Cour du Québec a rendu une décision par laquelle elle rappelle aux gens que le droit à la vie privée n’offre pas de protection illimitée.

Dans cette affaire, les deux parties sont des jeunes chanteuses en début de carrière. Elles ont une certaine ressemblance physique et un style artistique similaire. Les deux sont parfois confondues et se reprochent mutuellement de volontairement utiliser cette situation, voire de se copier.

La demanderesse poursuit la défenderesse en raison de l’utilisation de l’une de ses photos prises dans un contexte de prestation artistique (audition pour l’émission de télévision La Voix). La demanderesse avait initialement publié cette photo d’elle-même sur sa propre page Facebook publique ainsi que son propre site Internet.

Sans le consentement de la demanderesse, la défenderesse a utilisé, quelque temps plus tard, cette même photographie. Elle a réalisé un montage où elle a inséré une photo de chacune d’elles, les a mises côte à côte, avec un texte dénonçant le fait d’être copiée par la demanderesse. Ce montage texte-photos a été publié sur la page Facebook publique de la défenderesse.

La demanderesse reproche ainsi à la défenderesse d’avoir, sans son consentement, utilisé sa photo et donc, d’avoir violé son droit à la vie privée. La Cour reconnaît l’absence de consentement exprès.

Par contre, elle considère, tel que cela a été établi dans des décisions antérieures de tribunaux québécois et canadiens, que le fait de publier une photo de soi-même sur Internet, accessible à tous, emporte un consentement tacite à ce qu’elle soit utilisée par d’autres, parce qu’en agissant ainsi, la demanderesse a inséré sa propre photo dans le domaine public. Une autorisation particulière n’a donc pas à être donnée pour chaque utilisation subséquente de l’image.

Par ailleurs, le droit à la dignité de la demanderesse n’a pas été bafoué, puisque la photographie en elle-même n’a rien d’humiliant et son utilisation non plus. Le fait de vouloir faire une mise au point sur les parallèles qui existent entre les deux artistes et pour les distinguer n’est pas une humiliation. Il faut aussi souligner que la demanderesse a choisi elle-même de devenir un personnage public, par son choix de carrière.

Quant au texte faisant partie du montage, la Cour ne s’y arrête pas à l’égard d’une potentielle atteinte à la réputation sous forme de diffamation (reproches de plagiat), car la Division des petites créances n’a pas le pouvoir de juger les causes de diffamation.

Le recours de la demanderesse est donc rejeté.

Lire la décision : http://www.canlii.org/fr/qc/qccq/doc/2016/2016qccq4379/2016qccq4379.pdf