Une municipalité est-elle responsable des inconvénients subis par les résidents qui doivent subir une grande augmentation de la circulation routière à côté de leur résidence?
En mars dernier, la Division des petites créances de la Cour du Québec devait trancher une réclamation de deux citoyens contre la Ville de Carignan. Ceux-ci réclamaient 15 000 $ à la Ville pour les inconvénients et la perte de valeur de leur résidence, suite à l’ouverture d’une nouvelle rue sur le terrain voisin de leur résidence, jusque-là un terrain vague. Voici les faits.
Les demandeurs achètent leur terrain en 2003 et y construisent leur résidence en 2004. Le terrain voisin, qui est vacant, appartient à la Ville. Cela fait en sorte que leur voisinage est très calme. En 2014, la Ville commence les travaux de construction d’une nouvelle rue sur le terrain vacant voisin des demandeurs.
Une fois la rue ouverte à la circulation, les demandeurs doivent subir un flot de circulation intense et constant, incluant des véhicules lourds qui doivent emprunter cette rue. Il y a beaucoup de bruit et de vibrations, sans oublier la perte d’intimité.
Les demandeurs reprochent à la Ville de ne pas avoir été transparente, de ne pas avoir consulté les résidents du secteur, de ne pas avoir respecté la procédure requise, de ne pas avoir choisi la meilleure alternative pour ce projet, d’avoir agi abusivement et avec improvisation.
La preuve révèle que la Ville faisait face à un sérieux problème de congestion dans le secteur depuis quelques années, en raison de l’augmentation du développement immobilier. Elle avait retenu les services d’une firme spécialisée et a étudié les différents scénarios par ses experts. Elle a finalement retenu le scénario qui ne convient pas aux demandeurs.
La Cour note que la Ville était propriétaire du terrain vacant et qu’elle n’avait jamais pris d’engagement concernant ce terrain, par exemple de ne pas y construire de rue ou d’y construire autre chose. Elle n’a donc pas manqué à une promesse. Les attentes des demandeurs à l’égard de ce terrain ne proviennent donc pas de la Ville. Par ailleurs, la Cour constate que toutes les règles applicables pour un tel projet ont été respectées par la Ville.
Aussi, la preuve révèle que la décision de la Ville était réfléchie et avait pour but de solutionner un réel problème de congestion. Il s’agit d’une question d’intérêt de la population et de sécurité publique. Or, le choix qui est fait par le conseil municipal, formé d’élus, sur ce qui est approprié ou non de faire, notamment en matière d’ouverture de nouvelles rues, est un choix politique et non juridique. Les tribunaux ne sont pas les juges de l’opportunité de choisir une solution plutôt qu’une autre, mais plutôt de la légalité de ce choix. Les lois applicables donnent au conseil municipal la discrétion de faire le choix qui leur semble approprié.
La Cour termine en indiquant être bien consciente des inconvénients vécus. Cependant, les règles de la responsabilité civile exigent plus qu’une preuve d’inconvénients pour tenir quelqu’un, incluant une Ville, responsable de dommages subis. Il faut une faute commise, ici, par la Ville. Or, il n’y en a pas. Elle a exercé sa discrétion pour choisir d’ouvrir une nouvelle rue et pour déterminer le meilleur endroit, selon les élus, pour cette nouvelle rue.
Le recours est donc rejeté.
Lire la décision : http://www.canlii.org/fr/qc/qccq/doc/2016/2016qccq2455/2016qccq2455.pdf