Une entreprise d’embouteillage d’eau en format 18 L peut-elle être responsable d’un vice caché affectant l’une de ses bouteilles ?
Le 12 juillet dernier, la Cour du Québec a rendu une décision intéressante en matière de protection du consommateur et de vices cachés. Une entreprise québécoise d’embouteillage d’eau, notamment en format 18 L, est poursuivie par l’assureur d’un consommateur. Ce dernier a été victime d’un dégât d’eau occasionné par une fuite d’eau dans un bouteille de 18 L installée sur un refroidisseur d’eau. Il avait acheté la bouteille d’eau quelques jours plus tôt à l’épicerie.
Il s’avère que la bouteille avait une fissure dans son fond. Étant installée à l’envers sur le refroidisseur d’eau, cette fissure a éventuellement ouvert et ainsi, permis à l’air d’y entrer et de pousser l’eau à sortir par le robinet du refroidisseur. L’eau s’est donc lentement déversée durant la journée. Quand le consommateur est revenu chez lui, il a trouvé le plancher de sa cuisine complètement endommagé.
L’entreprise d’embouteillage a fait la preuve, devant la Cour, qu’elle achète ses bouteilles de plastique de 18 L auprès de deux sous-traitants. Étant consignées par Recyc-Québec, elles sont réutilisées. Il arrive parfois que les consommateurs effectuent du remplissage libre-service à leur épicerie, à l’aide d’une distributrice. Cependant, ce n’était pas le cas du consommateur dans cette affaire. Il rapportait à chaque fois sa bouteille consignée à l’épicerie et en achetait une autre.
La preuve de l’entreprise d’embouteillage, à ce sujet, était que les bouteilles retournées sont lavées à l’usine, puis égouttées, remplies, scellées et ensuite soumises à un test de pression. Si la bouteille échoue ce test, elle est retirée du marché. La durée de vie normale d’une bouteille de ce type est de 10 à 15 ans.
La date de fabrication est apposée par le sous-traitant au fond de la bouteille. Celle en question dans cette affaire avait 7 ans au moment du bris.
En vertu du Code civil du Québec et de la Loi sur la protection du consommateur, il appartient au vendeur professionnel, comme c’est le cas ici, de prouver que la bouteille n’est pas défectueuse. Le consommateur, lui, n’a qu’à prouver que la bouteille n’a pas donné le résultat normal qu’elle devait produire. Il en résulte une présomption de défectuosité.
Le consommateur a rencontré son fardeau de prouver le résultat anormal suite à l’usage de la bouteille d’eau, soit le déversement dû à une fissure (et non pas dû au refroidisseur à eau). Il revenait alors à l’entreprise d’embouteillage de prouver à la Cour un mauvais usage ou une mauvaise manipulation par le consommateur, une faute de l’épicerie ayant vendu la bouteille, ou l’usure normale provenant du fait que le consommateur aurait acheté la bouteille il y a très longtemps. Aucune preuve en ce sens n’a été présentée à la Cour. Seules des hypothèses et des suppositions ont été soumises pour expliquer le bris.
La Cour est d’accord que l’entreprise d’embouteillage ne peut pas être indéfiniment responsable des défauts qui peuvent apparaître sur ses bouteilles. Cependant, à chaque fois qu’une bouteille est vendue, même si elle a été réutilisée depuis de nombreuses années, elle doit rencontrer les règles de la garantie légale et donc, être utilisable normalement pendant une durée raisonnable.
L’entreprise d’embouteillage a donc été condamnée à rembourser à l’assureur du consommateur une somme de 5 500 $ pour les travaux de réfection du plancher.
Lire la décision : http://www.canlii.org/fr/qc/qccq/doc/2016/2016qccq6445/2016qccq6445.pdf