Une compagnie d’assurance-voyage peut-elle exiger que son assuré paie lui-même les frais d’hospitalisation, avant qu’elle décide dans quelle proportion elle l’indemnisera ?
La réponse à cette question est « Non », selon la Cour du Québec dans un jugement rendu le 11 juillet dernier. Dans cette affaire, un couple de personnes âgées avait souscrit une assurance voyage, incluant une couverture pour hospitalisation, en vue d’un séjour hivernal en Floride.
Une clause particulièrement claire de la police d’assurance, remise à l’assuré selon la preuve, prévoit l’obligation d’aviser la compagnie d’assurance AVANT d’obtenir quelque soin médical que ce soit, même s’il s’agit d’une urgence. Il faut comprendre que cette police d’assurance ne vise que les urgences médicales, donc les situations imprévues qu’il nécessitent des soins sur place avant le retour au Canada.
En cas d’urgence « exceptionnelle » selon les termes de la police, donc une situation telle que l’assuré ne peut pas ou n’a pas le temps d’appeler (on peut penser à une crise cardiaque ou un accident de la route), la compagnie d’assurance doit être avisée le plus tôt possible.
Dans ce dossier, la compagnie d’assurance a été avisé rapidement, mais pas AVANT que l’assuré reçoive certains soins. Il invoque l’urgence exceptionnelle et la compagnie d’assurance n’est pas d’accord. La Cour tranche en faveur d’une situation d’urgence qui n’est pas de nature exceptionnelle au point d’empêcher un appel téléphonique à la compagnie au préalable.
En effet, l’assuré était faible, avait eu un évanouissement et éprouvait de la douleur en urinant. Ses urines contenaient du sang depuis la veille. Il était accompagné de son épouse et d’un voisin. Tous se sont rendus à l’urgence dans la voiture du voisin. Il s’est écoulé 3 heures entre l’arrivée à l’urgence et l’appel à la compagnie.
La Cour juge ainsi qu’un la situation d’urgence n’était pas « exceptionnelle » au sens de la police d’assurance. Dans un tel cas, la police d’assurance prévoit que l’assuré doit payer ses soins et que la compagnie l’indemnisera jusqu’à un maximum de 25 000 $, sur la base de 70 % des coûts pour des soins équivalents selon la compagnie. Bref, la compagnie a une discrétion pour établir le montant qu’elle choisit de payer.
En l’espèce, la facture des soins, toujours impayée, est de 38 000 $ US. La compagnie considère que le coût réel est de 2 500 $. Selon sa clause, elle rembourserait donc 70 % de 2 500 $. Il faudrait cependant que l’assuré paie la facture au complet pour avoir droit d’obtenir une indemnité, peu importe le montant.
Le Tribunal juge que cette clause est abusive, parce qu’elle oblige l’assuré à payer les soins médicaux AVANT même que la compagnie se prononce sur le montant de l’indemnité qu’elle accordera. En conséquence, elle interprète la clause en faveur de l’assuré et condamne la compagnie d’assurance à verser le maximum payable de 25 000 $.
Lire la décision : http://www.canlii.org/fr/qc/qccq/doc/2016/2016qccq8709/2016qccq8709.pdf