Une compagnie d’assurance peut-elle nier couverture en contexte d’assurance-chantier ?

Dans une décision rendue hier, la Cour suprême du Canada remet les pendules à l’heure en matière d’assurance-chantier en rejetant la position des assureurs. Ce faisant, elle a aussi dû casser la décision de la Cour d’appel de l’Alberta. Fait à noter, la Cour d’appel du Québec avait elle-même rendu en 1992 une décision similaire à celle de la Cour suprême publiée hier, dans une affaire traitant d’une assurance responsabilité civile des entreprises (et non d’une assurance-chantier).

Les faits sont simples. Un propriétaire retient les services d’un entrepreneur général pour d’importants travaux de construction d’une tour à bureaux. L’entrepreneur général engage plusieurs sous-traitants, dont l’un a pour contrat de nettoyer les fenêtres en cours d’exécution des travaux. Il s’agissait d’un gros nettoyage, la saleté due aux travaux étant littéralement collée aux nombreuses fenêtres de la tour.

Les mauvais outils sont utilisés par les employés du sous-traitant. Les grattements et le frottement endommagent les fenêtres. Elles ne peuvent pas être réparées. Il faut les remplacer.

L’entrepreneur général avait souscrit à une assurance-chantier, c’est-à-dire une forme d’assurance responsabilité civile, couvrant lui-même et tous les sous-traitants. L’entrepreneur général dépose une réclamation d’assurance. L’assureur nie couverture, car une exclusion prévoit que ne sont pas couverts les « frais engagés pour remédier à une malfaçon ». Autrement dit, le remplacement des fenêtres ne serait pas assuré. La police d’assurance couvrirait donc uniquement les dommages occasionnés à d’autres intervenants du projet ou à d’autres parties de l’immeuble, suite au bris des fenêtres. Le sous-traitant et l’entrepreneur général ne seraient donc pas assurés pour le bris des fenêtres, mais l’assureur couvrirait les dommages que ce bris auraient causé au revêtement extérieur des murs, par exemple.

La Cour suprême n’est pas d’accord. Selon elle, cette position de l’assureur, si elle était retenue par la Cour, priverait les assurés du droit de bénéficier de la garantie d’assurance qu’ils ont acheté, et irait à l’encontre de l’objectif d’une police d’assurance-chantier. Cela pourrait même avoir pour effet de paralyser les chantiers de construction en plein milieu des travaux, le temps que les différents intervenants se poursuivent en justice entre eux pour déterminer qui doit payer pour certains travaux correctifs.

Donc, la Cour dit que cette police d’assurance-chantier couvre aussi le coût requis pour réparer la faute du sous-traitant, donc le coût du remplacement des fenêtres.

Par contre, bien évidemment, l’exclusion mentionnée dans la police d’assurance empêche l’entrepreneur général et le sous-traitant de réclamer le coût pour recommencer le travail mal fait. Ainsi, l’entrepreneur général devra éventuellement faire nettoyer les nouvelles fenêtres, qui se saliront au fil de l’avancement des travaux. Les nouveaux coûts de nettoyage ne sont pas couverts, peu importe qui s’en charge. Il reste à voir s’il fera confiance au même sous-traitant… qui lui, serait mal avisé de réclamer le coût pour recommencer son propre travail mal fait!

Lire la décision : http://www.canlii.org/fr/ca/csc/doc/2016/2016csc37/2016csc37.pdf