Un livreur-vendeur, qui se fait voler l’argent devant être remis à son employeur, doit-il le rembourser?
En novembre dernier, la Cour du Québec a eu à se prononcer sur cette question dans un dossier ayant commencé par une plainte à la Commission des normes du travail par le livreur. Suite à une telle plainte, lorsque le dossier ne se règle pas, c’est la Commission des normes du travail qui porte le dossier devant la Cour du Québec, au nom de l’employé et sans frais pour lui. Voici les faits de cette affaire.
Le livreur travaille pour les croustilles Old Dutch et livre les produits à des détaillants. Certains détaillants choisissent de payer les achats directement à la compagnie, par chèque, alors que d’autres paient comptant au livreur. Ce dernier doit remettre les sommes perçues par lui une fois par semaine à Old Dutch, selon son contrat de travail. Ce contrat prévoit aussi que le livreur est responsable de l’argent en sa possession. Un midi, alors que le camion est stationné près d’un restaurant, les portes verrouillées et le compartiment intérieur sécurisé pour l’argent, lui aussi verrouillé, des voleurs brisent la fenêtre, ouvrent la porte et le compartiment et prennent l’argent. La police fait un rapport et Old Dutch est avisée rapidement. Elle retient la somme manquante sur la paie du livreur. Celui-ci porte plainte à la Commission des normes du travail.
La Cour du Québec reconnait que la clause de responsabilité du livreur pour l’argent, dans son contrat de travail, est valide. La Commission plaidait que cette clause était abusive, mais le tribunal n’est pas d’accord. Après tout, l’argent est sous sa responsabilité et cela fait partie de sa tâche de la remettre à l’employeur. Par exemple, s’il perdait l’argent par négligence, la clause serait applicable.
Toutefois, la cour juge ici être en présence d’une force majeure, qui est un événement imprévisible et auquel on ne peut pas s’opposer. Cela a pour effet d’empêcher la clause de s’appliquer. Il faut alors vérifier si le vol était prévisible et si des mesures adéquates, dans les circonstances, avaient été prises pour s’en protéger. En l’espèce, il n’y avait eu aucun cas de vol de camions chez Old Dutch à la connaissance du livreur, donc aucun phénomène de répétition. L’argent était caché dans un compartiment verrouillé et les portes du camion étaient verrouillées. Le camion était laissé dans un stationnement public, à un restaurant sur l’heure du dîner. Il n’y a pas de négligence en matière de sécurité. Il n’y a aucune indication de participation du livreur dans le vol. Les vitres sont cassées et la police l’a constaté. Il ne s’agit pas d’un secteur connu à risque pour les vols. Bref, le livreur n’a rien à se reprocher.
Ainsi, la clause du contrat rendant le livreur responsable de l’argent non remis à Old Dutch ne s’applique pas à cette situation, car il s’agit d’une force majeure au sens de la loi. L’employeur doit remettre au livreur la somme prélevée illégalement sur sa paie.
Lire la décision : http://www.canlii.org/fr/qc/qccq/doc/2015/2015qccq12386/2015qccq12386.pdf