Se blesser sur les lieux du travail, est-ce que cela constitue toujours une lésion professionnelle?

Mme Stéphanie Richard est une employée de Loblaws inc. à titre de chef cuisiner depuis janvier 2010. Le 4 juin 2016, elle se blesse avec un couteau qu’elle croyait avoir protégé à l’aide d’un linge et mis dans un sac. Toutefois, lorsqu’elle a voulu ranger son sac, le couteau a transpercé le sac et il a pénétré dans sa main. Suite à cette blessure, Mme Richard complète un formulaire de réclamation du travailleur. Au cours des semaines suivantes, sa réclamation est acceptée et la Commission rend une décision formelle à cette effet. Elle est prise en charge par un chirurgien plastique qui procédera à une chirurgie consistant en une exploration nerveuse et une neurolyse. Mme Richard retournera au travail suite à cette blessure.

Selon le tribunal, les circonstances de l’événement comportent l’analyse de l’événement imprévu et soudain survenu à l’occasion du travail. Afin d’aider à baliser les éléments de preuve, six critères sont examinés par le tribunal, à savoir :

  • Le lieu de l’événement;
  • Le moment de l’événement;
  • La rémunération de l’activité exercée au moment de l’événement;
  • L’existence et le degré de subordination de l’employeur lors de l’événement;
  • La finalité de l’activité exercée au moment de l’événement, que celle-ci soit incidente, accessoire ou facultative aux conditions de travail;
  • Le caractère de connexité ou d’utilité relative de l’activité exercée au regard de l’accomplissement du travail.

Selon la preuve présentée au tribunal, Mme Richard s’est blessée sur les lieux du travail, dans un intervalle d’environ 30 minutes après la fin de son travail. Un tel intervalle est généralement accepté par la jurisprudence. Lorsque Mme Richard effectue ses achats entre 17h35 et 18h27, elle aurait fort bien pu procéder à des achats personnels, ou encore, reliés à l’exercice de son travail. De plus, le fait qu’elle portant toujours son habit de travail faisait en sorte qu’elle pouvait être appelée à répondre à des questions de la clientèle de l’établissement. Il s’agit ici d’une forme de subordination, d’autant plus qu’elle est payée jusqu’à la fin de son quart de travail, soit 18h00. Toutefois, la finalité de l’activité exercée par Mme Richard lors de sa blessure n’est pas reliée à ses conditions de travail. En effet, selon le témoignage de Mme Richard, elle effectuait des achats parce qu’elle devait effectuer du service de traiteur le soir même de l’incident. Ainsi, lorsqu’elle se blesse, ce n’est pas en rangeant ses couteaux, ustensiles et autres instruments de travail à l’endroit habituel avant de quitter l’établissement, mais plutôt pour les apporter avec elle afin d’effectuer sa prestation de travail du soir. Mme Richard agit donc à l’intérieur de sa sphère personnelle et non pas professionnelle. Finalement, l’employeur ne tirait aucun bénéfice de l’activité exercée par Mme Richard lors de la survenance de l’incident. Par conséquent, Mme Richard n’avait pas droit aux indemnités prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

Lire la dérision : http://www.canlii.org/fr/qc/qctat/doc/2017/2017qctat2890/2017qctat2890.html?autocompleteStr=2017%20QCTAT%202890&autocompletePos=1