Quelles sont les responsabilités des administrateurs d’une personne morale à but non lucratif (OBNL) régie par la loi provinciale?
Plusieurs femmes et hommes d’affaires s’impliquent dans leur milieu et deviennent administrateurs d’une personne morale à but non lucratif (« OBNL »). Pensons aux implications au sein d’un centre local de développement, d’un comité de promotion touristique ou industrielle, d’un centre de sport et de loisirs, d’un organisme communautaire ou d’un centre de la petite enfance.
Tous ces gens d’affaires investissent de leur temps et ils le font généralement par altruisme et de façon totalement bénévole ce qui est tout en leur honneur!
Si vous vous impliquez dans un tel organisme à titre d’administrateur, connaissez-vous la responsabilité qui vous incombe? Beaucoup d’idées, la plupart sans fondement, circulent sur le sujet. Ainsi, certains pensent qu’ils sont à l’abri de toute réclamation, puisque l’OBNL est une personne morale qui possède une personnalité juridique propre, ce qui empêcherait toute réclamation contre ses administrateurs. Selon d’autres, les administrateurs assument toutes et chacune des responsabilités de l’organisme si ce dernier ne peut les respecter.
Mais qu’en est-il réellement?
La vérité se trouve quelque part entre ces deux extrêmes et c’est à cette question que nous consacrons le présent bulletin.
Notre analyse se concentrera sur les OBNL régis par la loi provinciale, soit la Loi sur les compagnies, partie III. Ce bulletin fait suite à notre bulletin du 1er novembre 2013 portant sur la responsabilité des administrateurs pour les salaires impayés des employés d’une personne morale à but lucratif (que nous appelons habituellement compagnies ou sociétés par actions).
D’ailleurs, il importe de préciser que les administrateurs d’un OBNL régi par la loi provinciale n’encourent aucune responsabilité pour les salaires impayés, ce qui diffère grandement du cas des sociétés par actions ou autres personnes morales à but lucratif, ainsi que des personnes morales sans but lucratif régies par la loi fédérale.
Également, en matière civile, précisons immédiatement que les dettes d’un OBNL qui ont été encourues par l’OBNL lui-même, et qui ne font pas partie de l’un ou l’autre des régimes de responsabilité dont il sera question dans le présent texte, telles les dettes envers les fournisseurs, les partenaires ou les institutions financières, n’engagent pas la responsabilité des administrateurs.
Il existe cependant de nombreuses situations où la responsabilité des administrateurs peut être engagée.
Ainsi, le principe veut que toutes les sommes perçues par un OBNL et devant être remises à un organisme gouvernemental (par exemple, les retenues à la source) et qui ne le sont pas, engagent la responsabilité personnelle des administrateurs. Ainsi, les prélèvements d’impôt provincial, d’impôt fédéral, de RRQ, de RPC, d’assurance-emploi, du RQAP, ainsi que les sommes dues en vertu de la Loi sur les normes du travail, de la Loi favorisant le développement et la reconnaissance des compétences de la main-d’œuvre et de la Loi sur la Régie de l’assurance-maladie du Québec, doivent intégralement être remis à l’organisme gouvernemental concerné, à défaut de quoi les administrateurs de l’OBNL en seront personnellement responsables. De plus, les cotisations ainsi que les intérêts et pénalités dus à la Commission de la santé et de la sécurité au travail (CSST) en vertu de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, font l’objet de la même responsabilité personnelle des administrateurs.
Il arrive fréquemment que la responsabilité des administrateurs d’un OBNL soit engagée pour le non-paiement des retenues à la source pour la période en cours. En effet, même si les organismes font généralement un effort louable afin d’acquitter à échéance (généralement de façon mensuelle ou trimestrielle) leurs retenues à la source tant au niveau provincial que fédéral pour la dernière période complétée (par exemple le dernier mois ou les trois derniers mois), de nouvelles retenues à la source s’accumulent dès la première paie des employés d’une nouvelle période (les « courus »). Or, en cas de faillite ou d’insolvabilité d’un OBNL, les autorités fiscales n’hésitent pas à réclamer ces sommes aux administrateurs puisqu’elles ne leur ont pas été remises, ce qui s’explique bien évidemment par le fait qu’elles n’étaient pas encore payables au moment de la faillite ou de la situation d’insolvabilité.
Dans la même veine, les taxes à la consommation (TPS et TVQ) perçues par un OBNL doivent être remises aux gouvernements, à défaut de quoi la responsabilité personnelle des administrateurs est engagée.
En matière de poursuite pénale, de nombreuses situations sont prévues dans la législation afin d’imputer aux administrateurs d’un OBNL une responsabilité pour des infractions commises par ceux-ci. Il faut donc être particulièrement vigilant lorsque l’on accepte d’agir comme administrateur d’un OBNL régi par la loi provinciale.
Finalement, notez que d’autres situations prévoient la responsabilité personnelle d’un administrateur d’un OBNL. Par exemple, s’il se porte personnellement caution (« endosseur ») ou coemprunteur pour une dette de l’OBNL ou l’assume d’une autre façon, il en deviendra bien évidemment responsable. De plus, les actes répréhensibles tels la fraude, le dol et les comportements personnels fautifs d’un administrateur, commis à l’occasion de ses fonctions, engageront sa propre responsabilité. À titre d’exemple, la responsabilité d’un administrateur ayant falsifié des documents ou des informations financières dans le but d’inciter un tiers à faire affaire avec l’OBNL pourrait être engagée. Il en sera aussi de même si un administrateur outrepasse ses pouvoirs d’administrateurs, notamment en ne respectant pas les décisions adoptées par les membres.
Il faut donc être particulièrement vigilant lorsque l’on accepte d’agir comme administrateur d’une personne morale sans but lucratif régie par la loi provinciale. Les sommes d’argent perçues des employés, les diverses cotisations ainsi que les sommes perçues à titre de taxes à la consommation peuvent représenter un capital considérable que le conseil d’administration pourrait, en cas de difficulté financière, être tenté d’utiliser comme financement temporaire afin de pallier au manque de fonds. Mais quand le problème temporaire se poursuit dans le temps, les risques pour les administrateurs augmentent. La responsabilité personnelle des administrateurs pouvant être engagée en pareille circonstance, il est préférable de faire appel à un juriste en telle matière si l’administrateur ne veut pas que son implication bénévole devienne trop onéreuse…