Est-il possible de conduire un véhicule automobile tout en ayant un cellulaire sur les cuisses?
Suivant une décision du juge Robert Beauséjour de la Cour municipale de Terrebonne, utiliser un cellulaire, alors qu’il est déposé sur les cuisses, n’est pas permis. Voici les faits menant à cette décision :
Le 3 novembre 2015, le policier Chauvette a immobilisé son véhicule de patrouille à un feu de circulation à la hauteur du véhicule de Mme L’Heureux. En regardant dans le véhicule de celle-ci, il a remarqué qu’elle tenait un Iphone à deux mains au niveau de ses cuisses, qu’elle a la tête penchée vers l’appareil et que ses pouces bougent. Le policier a conclu qu’elle devait écrire sur le clavier numérique de son appareil. Il a donc intercepté le véhicule de Mme L’Heureux et lui a remis un constat d’infraction, lequel mentionne qu’on lui reproche d’avoir utilisé son cellulaire avec ses mains alors qu’elle conduisait un véhicule automobile sur la voie publique. Lors de son témoignage à la Cour, Mme L’Heureux conteste le constat d’infraction au motif qu’au moment de l’infraction, son téléphone cellulaire n’était pas dans ses mains, mais reposait plutôt sur ses cuisses. Elle précise également qu’elle ne l’utilise pas lorsque son véhicule est en mouvement.
L’ensemble du débat porte sur la divergence entre la version française et la version anglaise du texte de loi de l’article 439.1 du Code de la sécurité routière et de l’intention du législateur lors de la rédaction de cet article. La version française du texte de loi se lit comme suit : « … Une personne ne peut, pendant qu’elle conduit un véhicule routier, faire usage d’un appareil tenu en main muni d’une fonction téléphonique» alors que la version anglaise se lit comme suit : « No person may, while driving a road vehicle, use a hand-held device that includes a telephone function ».
Dans sa décision, le juge Beauséjour relate l’analyse faite du juge Vauclair, dans l’affaire Mérineau c. Ville de Longueuil, 2011 QCCS 2905, quant à l’interprétation qui doit être faite de cet article. Après avoir pris en considération les commentaires du Ministère des transports et des travaux parlementaires, le juge Vauclair en vient à la conclusion que l’intention du législateur était de prohiber, entre autre, l’utilisation du cellulaire afin de contrer les risques de distraction lors de la conduite d’un véhicule automobile. Il détermine également que la version anglaise de l’article 439.1 du Code de la sécurité routière y décrit une caractéristique de l’appareil interdit d’utilisation, soit sa qualité d’être portable ou portatif plutôt que de préciser une manière de le tenir. Par conséquent, la version anglais du texte de loi doit être privilégiée à la version française étant davantage en accord avec le but recherché par le législateur.
En conclusion, ce qui est prohibé par cet article de loi, c’est d’utiliser un appareil portatif, et ce, peu importe la manière dont on le tient lors de la conduite d’un véhicule routier.
Ainsi, et suivant la version anglaise de l’article de loi, seuls trois éléments constitutifs doivent être prouvés, à savoir :
- Être à la conduite d’un véhicule routier;
- Faire usage;
- D’un appareil portable muni d’une fonction téléphonique.
Comme Mme L’Heureux n’a pas nié avoir fait usage de son téléphone cellulaire alors qu’elle conduisait son véhicule automobile et que le juge Beauséjour adhère entièrement aux propos du juge Vauclair, il ne peut que constater qu’elle a commis l’infraction qu’on lui reproche. Mme L’Heureux est donc condamnée à 80,00 $ d’amende plus les frais.