Particularités de la vente pour taxes d’une entreprise agricole
En matière de vente pour taxes, la rigidité du respect des procédures est notoire, notamment au niveau de l’envoi d’un avis au propriétaire. Toutefois, en ce qui a trait aux entreprises agricoles, la nécessité de l’envoi d’un préavis de réalisation des sûretés reste méconnue. Cette obligation provient de la Loi sur la médiation en matière d’endettement agricole (LMMEA).
Principes généraux de la LMMEA
La LMMEA permet à un agriculteur qui éprouve des difficultés à satisfaire à ses obligations financières de présenter une demande afin d’obtenir les services et le soutien d’un expert du Service de médiation en matière d’endettement agricole (SMMEA) visant l’examen de sa situation financière et la mise en place d’un plan de redressement, incluant la médiation en vue de conclure un arrangement acceptable pour l’agriculteur et ses créanciers. Pour être admissible, l’agriculteur doit être insolvable, c’est-à-dire:
- Être incapable de s’acquitter de ses obligations au fur et à mesure de leur échéance;
- Qui a cessé de s’acquitter de ses obligations courantes dans le cours ordinaire de ses affaires; ou
- Dont la totalité de ses biens n’est pas suffisante pour permettre l’acquittement de toutes ses obligations échues ou à échoir.
L’« agriculteur », au sens de la LMMEA, peut être une personne physique, une personne morale, une coopérative, une société de personnes ou toute autre association de personnes exploitant une entreprise agricole à des fins commerciales. Même si l’agriculture n’a pas à être la principale source de revenu de l’agriculteur, la reconnaissance en tant qu’exploitation agricole enregistrée demeure un bon indice de qualification comme agriculteur. Concernant la notion de « fins commerciales », il importe de déterminer si l’agriculteur a l‘intention de tirer des profits de son agriculture. En cas de désaccord sur l’admissibilité de l’agriculteur, l’article 11 LMMEA permet au créancier de faire appel de la décision dans les quatre jours suivant la réception de l’avis de suspension des recours.
Demande d’examen
L’agriculteur peut donc présenter une demande au SMMEA afin d’obtenir du soutien. Deux types de demandes distinctes sont possibles.
Le premier mécanisme, prévu à l’alinéa 5(1)a) LMMEA, a pour objectif de permettre à l’agriculteur d’arriver à une entente avec tous ses créanciers, garantis ou non, et d’obtenir la suspension de tous les recours de ceux-ci contre l’agriculteur ou ses biens. L’agriculteur se prévaut fréquemment de ce premier mécanisme lorsqu’il reçoit un préavis de l’intention d’exercer leurs sûretés par l’un de ses créanciers garantis.
L’autre mécanisme, à l’alinéa 5(1)b) LMMEA, a également pour objectif d’en arriver à une entente avec les créanciers ; toutefois, seuls les créanciers garantis de l’agriculteur sont visés. Aux termes de ce deuxième mécanisme, l’agriculteur ne bénéficie pas de la suspension des recours de ses créanciers garantis contre lui ou ses biens. L’agriculteur optera davantage pour ce mécanisme lorsqu’il est possible de restructurer le crédit garanti qui lui a été consenti.
Lorsque l’agriculteur se prévaut du premier mécanisme de l’article 5(1)a) LMMEA, les créanciers ne peuvent se prévaloir de recours contre les biens de l’agriculteur ou intenter, continuer une action ou une procédure judiciaire ou extrajudiciaire, visant le recouvrement d’une dette, la réalisation d’une sûreté ou la prise de possession d’un bien de l’agriculteur. Cette période de suspension dure initialement 30 jours, mais elle peut être renouvelée pour deux périodes consécutives de 30 jours, jusqu’à un maximum totalisant 90 jours. Dès la levée de la suspension des recours accordée par le SMMEA, advenant par exemple l’impossibilité de l’agriculteur d’en arriver à une entente avec ses créanciers, ceux-ci pourront reprendre ou amorcer leurs recours contre l’agriculteur et ses biens.
Nécessité du préavis
Ceci dit, c’est l’article 21 de la LMMEA qui oblige le créancier garanti à donner un préavis à l’agriculteur pour l’informer qu’il pourrait être admissible au SMMEA, et ce, au moins 15 jours ouvrables avant la prise de toute mesure visant à se prévaloir d’un recours contre les biens d’un agriculteur.
La municipalité étant considérée comme un créancier garanti, ce préavis de l’article 21 LMMEA devra donc être envoyé à l’agriculteur dont les immeubles sont visés par les procédures de vente pour taxes et ce, au moins 15 jours ouvrables avant la résolution du conseil de la municipalité locale ordonnant la vente d’immeubles pour taxes, puisque l’on peut penser qu’il s’agit de la mesure initiale visant à se prévaloir d’un recours.
Le défaut pour le créancier de fournir ledit avis dans le délai prescrit par la LMMEA constitue une fin de non-recevoir du recours entrepris contre l’agriculteur.
Il est donc primordial pour une municipalité désirant intenter une procédure de vente pour défaut de paiement des taxes contre une entreprise agricole de prévoir un délai afin de faire parvenir le préavis nécessaire au terme de la LMMEA. En effet, contrevenir à la Loi sur la médiation en matière d’endettement agricole pourrait affecter la légalité du processus de vente d’immeubles pour taxes.