L’incompétence grave d’une firme de courtage hypothécaire est-elle un motif juridique pour rejeter sa réclamation pour commission impayée ?

Par Monty Sylvestre

« OUI », répond clairement la Division des petites créances de la Cour du Québec, dans un jugement du 21 janvier 2016. Les faits sont les suivants.

Un couple signe une promesse d’achat pour une maison au montant de 292 500 $. Ils disposent d’une mise de fonds. Ils rencontrent ensuite le représentant d’une firme de courtage hypothécaire et signent un mandat avec cette firme. Après avoir complété ses démarches, la firme leur propose un prêt hypothécaire au montant de 218 025 $ par une entreprise de financement. Le couple accepte.

Or, une fois le dossier à l’étude du notaire pour préparer la vente, celui-ci constate que financement offert n’est pas suffisant, avec la mise de fonds initiale du couple, pour conclure la vente. Il avise le couple, mais ce dernier n’est pas en mesure de trouver une plus grande mise de fonds. Le notaire indique que la transaction ne peut pas procéder telle quelle et leur propose de faire une nouvelle demande de financement pour régler le problème.

Le couple décide toutefois de laisser tomber l’achat. La firme de courage leur réclame la commission qu’elle n’a pas pu avoir du prêteur hypothécaire, puisque le couple n’a pas acheté la maison. La commission était de 4 900 $. La firme se base sur une petite clause à ce sujet, non expliquée par le représentant, que la Cour qualifie ainsi : « La clause, en plus d’être illisible sans une loupe, est un long texte quasiment impossible à comprendre ».

Qui plus est, le Tribunal constate que la firme a mal rempli sa part du contrat, car elle devait trouver un prêt hypothécaire suffisant pour permettre au couple d’acheter la maison.  Il était donc inutile que la firme propose ce prêt hypothécaire trop petit au couple. Le Tribunal termine ainsi son jugement, avec une pointe d’indignation :

« Il est tout simplement aberrant que des membres d’une firme régie par la Loi concernant le courtage immobilier ne suivent pas la réglementation applicable et tentent, par un contrat d’adhésion [note de Monty Sylvestre : un contrat où le couple ne pouvait pas négocier les clauses], à obtenir une pénalité dans une circonstance où ils ont fait défaut de faire leur propre travail d’une façon responsable dans l’intérêt de leurs clients. Le fait de procéder avec une demande de crédit pour une somme insuffisante pour compléter la transaction, et par la suite réclamer une pénalité, sous prétexte que les clients n’ont pas complété la transaction, démontre pour le moins, une incompétence grave. »

Lire la décision : http://www.canlii.org/fr/qc/qccq/doc/2016/2016qccq732/2016qccq732.pdf