Assurer une voiture achetée par l’entremise d’un prête-nom n’est pas une bonne idée…
Le 4 avril dernier, la Cour du Québec a rendu une décision dans un contexte d’assurance automobile, où elle confirme ce principe déjà établi. Les faits sont toutefois très particuliers…
Le demandeur est un employé d’un restaurant opéré par une compagnie à numéro québécoise. Il y travaille comme gérant, mais n’est pas actionnaire ni administrateur de la compagnie. La seule actionnaire et administratrice de la compagnie est sa mère.
En juin 2011, la compagnie achète une Chevrolet Camaro SS 2011 chez un concessionnaire. C’est le demandeur qui effectue les démarches. La voiture est financée sur 48 mois. Elle est assurée chez Aviva et c’est évidemment la compagnie qui est désignée comme propriétaire. Le conducteur principal inscrit est le demandeur, qui déclare utiliser la voiture pour se rendre au travail. Il n’est pas question d’un usage commercial du véhicule.
Dans les faits, la mère du demandeur confirme qu’elle ne s’est pas occupée de l’achat de la voiture ni de son utilisation. La voiture ne sert à rien pour la compagnie qui, rappelons-le, opère un restaurant.
Le seul utilisateur, selon la preuve, est le demandeur. Il effectue les paiements mensuels, paie la prime d’assurance, ainsi que tous les frais d’entretien et de réparation. Il fait installer un système de repérage.
En avril 2012, il quitte le pays pour un voyage. Quelques semaines plus tard, la voiture est déclarée volée par son ami, qui avait été chargé de la garder pendant l’absence du demandeur. La compagnie de repérage et la police sont avisées rapidement. La voiture ne sera pas retrouvée, mais la police mettra la main sur des morceaux du système de repérage, enlevés de la voiture, en bordure de l’autoroute.
Aviva refuse d’indemniser le demandeur et la compagnie. Elle invoque l’absence d’intérêt assurable. Ce concept juridique permet effectivement de considérer une police d’assurance comme n’ayant jamais existé. L’assureur est alors seulement tenu de rembourser la prime d’assurance perçue, mais non de verser l’indemnité réclamée.
L’intérêt assurable, en matière d’assurance de biens, est prévu par la loi et est obligatoire. Il empêche une personne d’assurer les biens qui ne lui appartiennent pas. Le but est d’empêcher les gens de recevoir une indemnité d’assurance pour la perte d’un bien, alors qu’ils n’en subissent aucune conséquence réelle. Cela équivaudrait à de l’enrichissement, comme si quelqu’un assurait la voiture de son voisin et voulait être indemnisé suite à un accident…
La seule exception est lorsqu’un bien est acheté par une compagnie, mais qu’il appartient, en réalité, au seul actionnaire et administrateur de la compagnie. Autrement dit, la personne « passe par sa compagnie » (en langage populaire) pour acheter un bien personnel.
Par contre, dans la présente affaire, la Cour note que la compagnie n’est que le prête-nom du demandeur. La compagnie n’a pas acheté la voiture pour elle-même ni pour sa seule administratrice et actionnaire, soit la mère du demandeur. Cette dernière n’est d’ailleurs pas au courant de grand-chose concernant la voiture.
Le demandeur est un employé de la compagnie de sa mère. La compagnie ne peut donc pas recevoir l’indemnité d’assurance, puisqu’elle ne subit aucune perte suite au vol de la voiture. Elle n’est qu’un prête-nom.
Quant au demandeur, il n’est pas l’assuré en vertu de la police d’assurance. La Cour ne peut pas forcer Aviva à indemniser une personne qui n’est pas l’assuré déclaré au contrat d’assurance.
Le recours conjoint du demandeur et de la compagnie est donc rejeté par la Cour. Aviva doit rembourser la prime d’assurance perçue, ce qu’elle avait déjà offert.
Lire la décision : http://www.canlii.org/fr/qc/qccq/doc/2016/2016qccq2015/2016qccq2015.pdf