L’agent d’assurance qui conseille mal son client par rapport à ses besoins est-il un argument permettant de forcer une compagnie d’assurances à indemniser son assuré?
Dans une décision rendue le 11 novembre dernier, la Division des petites créances de la Cour du Québec répond par l’affirmative à cette question. Dans cette affaire, les demandeurs avaient souscrit à une assurance habitation auprès de la SSQ en 2007, pour leur duplex. Suite aux conseils de l’agent d’assurances travaillant pour la SSQ, ils ont choisi la police « SSQ classique », qui correspond à une protection moyenne.
Avant d’aller plus loin, notons qu’en matière d’assurances de dommages, il existe deux types de représentant d’assurances : les agents d’assurances, qui travaillent pour une compagnie d’assurances, et les courtiers d’assurances, qui travaillent à leur compte ou pour un cabinet de courtiers et offrent les produits de plusieurs compagnies d’assurances. Cette distinction est effectuée par la Loi sur la distribution des produits et services financiers et dans le présent cas, il s’agissait d’un agent d’assurances travaillant directement pour la SSQ.
En 2007, donc, les demandeurs ont communiqué avec la SSQ pour assurer leur duplex de plus de 50 ans et dont la toiture avait près de 20 ans d’âge. Ils ont demandé une couverture qui ne contient pas de protection contre les dégâts d’eau par la cave, car la cave du vieil immeuble ne contenait rien à briser. L’agent d’assurances a alors recommandé la couverture moyenne au lieu d’une protection tout risque. Il n’a aucunement mentionné aux demandeurs qu’en souscrivant à la protection moyenne, ils perdraient, du même coup, la protection pour le toit et toutes les infiltrations d’eau arrivant par le haut.
La police d’assurance se renouvela alors annuellement jusqu’en 2013. En mai 2013, une infiltration d’eau par le haut à la jonction du toit et du mur à l’avant de l’immeuble se produit. Les réparations d’urgence coûtent près de 8 000 $. La SSQ refuse de les indemniser. Leur police d’assurance ne les couvre pas pour un tel sinistre. Ils auraient dû payer 402 $ annuellement comme prime additionnelle pour être couverts pour ce risque.
Devant la Cour, le tribunal commence par analyser la police d’assurance des demandeurs. Il en vient à la conclusion, comme la SSQ, que la police d’assurance de protection moyenne des demandeurs ne couvre pas ce type de dégât.
Par la suite, le tribunal analyse si l’agent d’assurances de la SSQ a commis une faute lorsqu’il a vendu l’assurance aux demandeurs, puisque comme le rappelle la Cour, l’agent d’assurances a une obligation de bien conseiller et informer ses clients. La SSQ est responsable des gestes de ses agents. Selon la Cour, la preuve révèle que les demandeurs ont refusé, en 2007, la protection tout risque puisque les explications de l’agent étaient incomplètes et que ce dernier les a dirigés vers la protection moyenne. Il y a eu aussi une faute puisque les besoins des clients n’ont pas été réévalués à chaque renouvellement annuel alors qu’ils auraient dû l’être. L’agent d’assurances qui procède à un renouvellement annuel n’est pas une simple courroie de transmission, selon la Cour.
Si la SSQ avait correctement renseigné les demandeurs, ils auraient été couverts pour ce sinistre. Elle doit donc les indemniser pour le montant total du sinistre, moins la franchise applicable de 300 $. Cependant, le tribunal déduit aussi la surprime annuelle qui aurait été payée par les demandeurs pour cette protection tout risque, soit 402 $ par année depuis 2007. C’est en effet ce qu’ils auraient payé s’ils avaient été correctement conseillés. Le total de primes supplémentaires de 1 818 $ est donc déduit du montant que la SSQ doit verser aux demandeurs.
Quant à la réclamation de 3 000 $ pour ennuis et inconvénients, formulée par les demandeurs, le tribunal la rejette. Les ennuis et inconvénients proviennent de l’infiltration d’eau et même s’ils avaient été correctement assurés et correctement renseignés dès le début, ils auraient quand même subi l’infiltration et tous ces inconvénients. Ce n’est pas la SSQ ni son agent d’assurance qui sont à l’origine de l’infiltration d’eau.
Lire la décision : http://www.canlii.org/fr/qc/qccq/doc/2016/2016qccq12798/2016qccq12798.pdf