L’Agence du revenu du Québec peut-elle choisir la situation la plus avantageuse pour elle, lorsque vient le temps de déterminer dans quelle année fiscale un salaire est imposable?
Le 25 octobre dernier, la Cour du Québec, siégeant en appel d’un avis de cotisation émis par l’Agence du Revenu du Québec, a rejeté la cotisation établie en déclarant que le salaire reçu n’est pas imposable au Québec. Les faits sont les suivants.
En 2006, le demandeur résidait aux États-Unis et y exerçait son emploi, pour une compagnie québécoise faisant beaucoup affaires chez nos voisins du Sud. Il a reçu un salaire, évidemment, durant cette année 2006 (environ 1,4 million de dollars avec le bonus). Il l’a déclaré aux autorités fiscales américaines et a payé l’impôt dû là-bas.
En 2007, le demandeur travaillait pour la même compagnie québécoise, mais était déménagé lui aussi au Québec. Il déclare et paie tous ses impôts au Canada et au Québec. Le dossier ne concerne pas le salaire gagné au Québec en 2007, mais seulement celui gagné aux États-Unis en 2006.
Le problème provient du fait que lorsque le comptable de la compagnie a produit ses déclarations de revenus provinciales 2006, il a indiqué le salaire du demandeur sous le poste comptable « Salaire payé à un non-résident québécois » dans ses états financiers. Il le déduit comme dépense. Quelques mois plus tard, le comptable, croyant avoir été dans l’erreur, amende la déclaration de revenus de la compagnie et retire le salaire du demandeur des dépenses. Il croit alors que la compagnie ne peut pas déduire ce salaire, puisque le demandeur ne paie pas d’impôt et n’a pas de retenues à la source au Québec. Il a tenté à plusieurs reprises d’obtenir l’avis de l’Agence du revenu du Québec, mais ne l’a pas encore reçu.
Finalement, en octobre 2007, le comptable reçoit l’avis de l’Agence confirmant qu’il aurait pu, et peut, déduire quand même le salaire du demandeur comme dépense. Lors de la déclaration de revenus suivantes (2007), il corrige la situation. Il peut le faire ainsi car la date de fin d’année fiscale de la compagnie est le 31 juillet, alors qu’elle est bien évidemment au 31 décembre pour le demandeur. Cela entre donc dans la déclaration 2007 de la compagnie, mais encore dans la déclaration 2006 du demandeur (car versé entre le 1er août et le 31 décembre 2006).
Puisque le salaire déduit par la compagnie l’a été dans la déclaration de revenus 2007 de la compagnie, l’ARQ saisit l’occasion et considère qu’il s’agit d’un revenu gagné en 2007 par le demandeur. Comme il résidait au Québec en 2007, l’ARQ l’impose. Cela en revient à imposer au Québec le demandeur comme s’il n’avait pas reçu de salaire en 2006 et à l’imposer en 2007 pour 2 années de salaire. Or, il a déjà payé son impôt d’environ 42 % aux États-Unis en 2006. Autrement dit, il a été imposé dans 2 pays pour le même salaire de la même année… il ne lui reste plus grand-chose!
SELON L’ARQ | ||
Année | Salaire imposable aux États-Unis | Salaire imposable au Québec |
2006 | Salaire 2006 | Aucun |
2007 | Aucun | Salaire 2006 + Salaire 2007 |
Le Tribunal rappelle l’ARQ à l’ordre : les tribunaux ont déjà décidé depuis longtemps que les contribuables doivent être cotisés selon la situation réelle et l’ARQ ne peut pas se prévaloir de la situation la plus intéressante pour elle. Il est reconnu depuis longtemps par la loi et par les tribunaux que le salaire est imposable au moment où il a été reçu par le salarié. Cela demeure vrai même si le salaire a été inscrit dans une année fiscale différente par l’employeur. Ayant été payé avant le 31 décembre 2006, le salaire est imposable en 2006. À ce moment, il était imposable aux États-Unis et non au Québec. Tant pis pour l’ARQ…
La Cour rappelle que les entrées comptables sont censées refléter la réalité, non pas la créer. Elle annule donc les avis de cotisation :
SELON LA COUR DU QUÉBEC | ||
Année | Salaire imposable aux États-Unis | Salaire imposable au Québec |
2006 | Salaire 2006 | Aucun |
2007 | Aucun | Salaire 2007 |
Lire la décision : http://www.canlii.org/fr/qc/qccq/doc/2016/2016qccq11924/2016qccq11924.pdf