Face à une accusation de conduite avec les facultés affaiblies, peut-on invoquer en défense que cela était nécessaire pour échapper à un ex-conjoint violent?

La réponse à cette question et à la fois « Oui » et « Non ». Autrement dit, cela dépend des circonstances de chaque affaire. Dans un jugement rendu le 21 septembre 2016 par la Cour municipale commune de la Ville de Joliette, le Tribunal conclut que cette défense doit être rejetée, déclarant ainsi la défenderesse coupable de conduite avec les facultés affaiblies. Les faits sont les suivants.

En mars 2015, la défenderesse revient d’une fête bien arrosée chez des amis, vers 2h00 dans la nuit vendredi à samedi. Elle s’est fait reconduire. La défenderesse et son conjoint (maintenant ex-conjoint) n’habitent pas ensemble en permanence. En effet, durant la semaine, la défenderesse réside dans son propre logement et habite chez son conjoint le weekend.

Bref, au retour de la défenderesse, son conjoint est très en colère contre elle. Il devient de plus en plus agressif. Il a un historique de violence verbale envers elle et même s’il ne l’a jamais frappée, il lui est arrivé à plusieurs reprises de la pousser contre le mur ou de lui faire une jambette. Elle tente de le calmer, puis d’aller se coucher pour mettre fin à la chicane, mais sans succès. Le fils de 12 ans de la défenderesse est réveillé par le conflit et vient voir ce qui se passe.

Alors, le conjoint lui ordonne de sortir de la maison (« Va-t’en parce que je te défonce la tête ») et ordonne aussi au fils de la défenderesse de quitter la maison. Elle n’a pas le temps de prendre son manteau, seulement sa sacoche. Son fils réussi à prendre son propre manteau et le chien. Il est maintenant dépassé 3 heures du matin. Il faut que son fils aille se coucher.

Elle ne voit donc aucune autre alternative que de rentrer chez elle avec son fils. Après 3 minutes de trajet environ, elle se fait intercepter par la police. Elle échoue tous les alcootests et admet avoir consommé de l’alcool. Son comportement confirme la consommation d’alcool en quantité importante. La défenderesse coopère. La défenderesse appelle sa mère pour qu’elle vienne chercher son petit-fils. Quelque temps plus tard, elle apprendra que c’est son conjoint qui a alerté la police sur son départ en voiture de la maison, avec les facultés affaiblies.

En défense, elle ne nie aucunement la consommation d’alcool, la quantité d’alcool dans son sang ou la conduite avec les facultés affaiblies. Elle invoque cependant la défense de nécessité. Les tribunaux ont reconnu à plusieurs reprises que la défense de nécessité existait, même en contexte de conduite avec les facultés affaiblies. Par exemple, dans une affaire antérieure, une dame avait fui son mari violent en se réfugiant dans sa voiture. Il avait alors tenté d’entrer dans la voiture verrouillée en frappant dessus. La dame avait démarré pour s’éloigner. Le mari l’avait suivie dans une autre voiture. La dame n’avait alors pas eu le choix de prendre la route pour s’enfuir. Le tribunal l’avait acquittée, vu la défense de nécessité.

Dans la présente affaire, le Tribunal rejette cependant cette défense. Bien que le comportement du conjoint ait été violent et que la défenderesse ait été forcée de quitter la résidence avec son fils, le conjoint ne l’a pas suivie à l’extérieur. Il n’a pas tenté de forcer la porte de la voiture, ni de la suivre. Bref, la défenderesse et son fils étaient en sécurité à l’intérieur du véhicule. Elle aurait pu, selon la Cour, utiliser son téléphone cellulaire (elle a admis en avoir eu un en sa possession à ce moment) pour appeler sa mère, comme elle l’a fait une fois interceptée par la police 3 minutes pour tard. Elle aurait aussi pu appeler un taxi ou les amis qui sont venus la reconduire plus tôt. Bref, la Cour note qu’il n’y avait pas de nécessité que la défenderesse et son fils prennent la route immédiatement, seulement une nécessité qu’ils sortent de la résidence rapidement.

Ainsi, le Tribunal rappelle qu’en prenant le volant, la défenderesse a mis en danger la vie de son fils, la sienne ainsi que celle des autres personnes se trouvant sur son chemin. Il rejette sa défense et la déclare coupable.

Lire la décision : http://www.canlii.org/fr/qc/qccm/doc/2016/2016qccm189/2016qccm189.pdf