Une agence de voyages a-t-elle le devoir légal d’informer ses clients des exigences propres au pays de destination, en matière de passeport?
En mars dernier, la Division des petites créances de la Cour du Québec a rendu une décision portant sur cette question. Dans cette affaire, le demandeur avait acheté un forfait voyage d’une semaine pour Sainte-Lucie, pour lui et sa conjointe, auprès d’une agence de voyages. Le grossiste était Vacances Sunwing.
Aucune information particulière n’a été donnée par l’agence de voyages au couple, concernant la durée de validité des passeports et les exigences propres à ce pays des Antilles. Une brochure de Vacances Sunwing leur a cependant été remise, sur laquelle on peut lire que le grossiste réfère les voyageurs au site gouvernemental fédéral approprié pour connaître les exigences en question.
Il arriva ce qui devait arriver. Lors de l’embarquement à Montréal en janvier 2015, la conjointe du demandeur se voit refuser l’accès, puisque son passeport expire en mars 2015, donc moins de 3 mois après le retour prévu au Canada. Le couple annule donc son voyage. Le demandeur fait des démarches auprès de l’agence de voyages afin de pouvoir obtenir un voyage de remplacement, mais malgré les efforts de l’agence, rien n’est trouvé.
Le demandeur poursuit l’agence de voyages, alors que cette dernière appelle en garantie le grossiste Vacances Sunwing en rejetant la responsabilité sur ses épaules.
La Cour conclut à l’absence de responsabilité de Vacances Sunwing, comme grossiste. Aucune fausse représentation n’a été faite au demandeur. Il n’y a aucun reproche concernant le voyage en lui-même. La seule communication avec le demandeur provient de la brochure lui ayant été remise. Celle-ci est exacte et réfère le demandeur au bon site gouvernemental pour répondre à diverses questions, incluant celle relative à l’expiration des passeports.
La Cour constate d’ailleurs que le demandeur n’a pas fait les vérifications en question sur Internet.
Quant à l’agence de voyages, le Tribunal retient sa responsabilité et lui ordonne de rembourser le coût total du voyage du demandeur et de sa conjointe. Aucun dommage-intérêt ne lui est accordé cependant, faute de preuve convaincante à ce sujet.
L’agence de voyages est jugée fautive en raison d’un manquement à son devoir d’information. En tant que spécialiste de ce domaine, elle devait fournir toutes les informations pertinentes et ne pouvait pas se contenter de donner une brochure à son client. Même si l’agence n’était pas habituée de vendre des voyages à Sainte-Lucie, elle a choisi de le faire et ne peut se cacher derrière le grossiste.
Quant à la prétention de l’agence, à l’effet que le demandeur n’aurait eu qu’à consulter le site Internet gouvernemental canadien auquel la brochure référait, et qu’il est donc responsable de sa négligence, la Cour est d’accord que le demandeur aurait pu le consulter facilement, puisque ce site est accessible au public. Toutefois, si l’accès à l’information était facile pour le demandeur, elle l’était tout autant pour l’agence de voyages. Elle aurait aussi pu consulter le même site Internet sans difficulté et aurait dû le faire. Comme quoi un argument peut se retourner contre celui qui l’invoque…
La Cour conclut donc qu’une agence de voyages a le devoir légal d’informer ses clients des exigences propres au pays de destination, en matière de passeport, à chaque voyage qu’elle vend.
Lire la décision : http://www.canlii.org/fr/qc/qccq/doc/2016/2016qccq8702/2016qccq8702.pdf