Nom légal et nom d’emprunt : comment s’y retrouver ?
Choisir le nom de notre entreprise n’est pas toujours simple. On veut trouver un nom qui soit à la fois représentatif, unique et accrocheur. Mais au-delà de trouver LE nom qui répondra à tous ces critères, il faut aussi (et surtout!) que le nom choisi respecte la loi.
Tout d’abord, spécifions qu’une entreprise ne peut avoir officiellement qu’un seul nom légal, aussi appelé dénomination sociale. Cependant, il est possible pour l’entreprise de s’identifier également sous un ou plusieurs autres noms, que l’on nomme noms d’emprunt. Au Québec, de façon générale, les règles applicables au choix et à l’utilisation d’un nom d’emprunt sont les mêmes que pour le nom légal et se retrouvent, pour la plupart, dans la Loi sur la publicité légale des entreprises (ci-après « L.p.l.e. ») et ses règlements d’application.
La L.p.l.e. nous indique, entre autres, que le nom choisi doit respecter la Charte de la langue française. Ainsi, une personne qui souhaite utiliser un nom en anglais (ou dans une autre langue) pour son entreprise devra également déclarer une version française de ce même nom et c’est cette dernière version qui sera la version officielle. Un mot provenant d’une langue étrangère ou un terme qui n’est pas réellement un mot pourra toutefois être utilisé dans le nom de l’entreprise si celui-ci est accompagné d’un ou plusieurs termes génériques en français permettant de déterminer sommairement les activités de l’entreprise (ex : Salon de coiffure Li-Ka, Nettoyeur Clean-up inc.). La seule exception à cette règle intervient lorsqu’une personne exploite une entreprise individuelle en utilisant uniquement son nom de famille et son prénom, ou dans le cas d’une fiducie utilisant le nom du constituant, d’un fiduciaire ou d’un bénéficiaire. Alors, la règle relative à la langue ne s’applique pas.
Parmi les autres restrictions prévues par la L.p.l.e., notons qu’il n’est pas permis d’utiliser un nom qui évoque une idée immorale ou obscène, qui laisse faussement croire qu’il s’agit d’un organisme à but non lucratif ou, dans le cas du nom légal de l’entreprise, qui indique incorrectement ou n’indique pas sa forme juridique lorsqu’elle est requise. Ce dernier point fait référence aux lettres que l’on retrouve souvent à la fin du nom d’une entreprise, telles « Inc. », « Ltée », « s.e.n.c. », etc. En effet, selon que vous exploitiez une entreprise individuelle, une société en nom collectif ou en commandite, ou encore une société par actions, il se peut que certaines lettres doivent obligatoirement faire partie du nom légal de votre entreprise.
Mais la restriction légale relative au choix d’un nom qui pose généralement le plus gros problème est l’interdiction d’utiliser un nom, légal ou d’emprunt, qui risque de porter à confusion avec un nom déjà utilisé par une autre entreprise ou toute autre entité ou qui, de toute autre manière, est de nature à induire les gens en erreur. Ainsi, il n’est pas permis de choisir un nom qui, sans être identique, sera très similaire à celui d’une entreprise existante. Évidemment, cela limite les choix disponibles. À cet égard, c’est la règle de l’antériorité de l’utilisation qui prévaut : la personne qui commence à réellement utiliser un nom, légal ou d’emprunt, en premier en obtient en quelque sorte l’exclusivité tant et aussi longtemps qu’elle continuera de l’utiliser.
Par ailleurs, lorsque vous avez finalement trouvé un nom légal et, éventuellement, un ou plusieurs noms d’emprunt pour votre entreprise, reste à savoir quand et comment vous pouvez utiliser l’un ou l’autre. Sur ce point, ce sont la Loi sur les sociétés par actions (provinciale) et la Loi canadienne sur les sociétés par actions (fédérale) qui, du moins pour les sociétés par actions, nous fournissent la réponse. Ainsi, le nom légal de l’entreprise doit être indiqué sur tous ses effets de commerce, contrats, factures et commandes de marchandises ou de services. Bref, sur tous les documents légaux, incluant les chèques et toute la papeterie de l’entreprise. Quant au nom d’emprunt, il peut être utilisé dans la publicité et lors de la présentation ou l’identification de l’entreprise faite verbalement, de même que sur les documents légaux identifiés précédemment mais, dans ce dernier cas, le nom légal doit également apparaître, tel que mentionné ci-dessus.
D’autre part, il est important de ne pas confondre un nom, légal ou d’emprunt, avec une marque de commerce. La marque de commerce sert essentiellement à distinguer les produits et services d’une entreprise d’une autre entreprise et son utilisation et son enregistrement sont régis par une loi fédérale, soit la Loi sur les marques de commerce. Cependant, dans le cadre de l’analyse de la confusion tel qu’expliqué précédemment, il doit être tenu compte des marques de commerce, en ce sens où un nom légal ou d’emprunt peut porter à confusion avec une marque de commerce et donc rendre son utilisation contestable.
Par utilisation contestable, nous entendons qu’un réel litige peut découler d’une utilisation non conforme à la loi ou portant à confusion d’un nom d’entreprise. Un litige devant les tribunaux peut avoir comme conséquence fâcheuse de vous obliger à changer la dénomination sociale de votre entreprise avec tout ce qui en découle, dont notamment la modification de vos publications, papeterie et enseignes sans oublier qu’il se peut fort bien que votre clientèle se perde dans ces changements… Des dommages et intérêts peuvent également vous être réclamés. C’est donc un risque à ne pas prendre!
Mais comment évaluer la disponibilité d’un nom légal ou d’emprunt ? La seule façon de s’y retrouver est en faisant effectuer une recherche de nom complète pour le nom envisagé. En vous adressant à votre notaire ou votre avocat et en lui indiquant le nom que vous aimeriez, celui-ci pourra faire une recherche complète et vérifier si le nom en question est déjà utilisé ou constitue une marque de commerce ou si un nom semblable existe, et ce, d’un océan à l’autre. Il produira ensuite un rapport faisant état des résultats de sa recherche. Vous pourrez ainsi prendre votre décision d’utiliser ou non le nom envisagé de façon plus éclairée tout en ayant eu l’occasion de discuter et mesurer les risques avec votre conseiller juridique.