En présence d’un logement totalement insalubre, une ville peut-elle capturer les 27 chats domestiques qui s’y trouvent et les euthanasier ?

Par Monty Sylvestre

En octobre dernier, la Cour supérieure a dû trancher un débat très particulier. Voici les faits. Une dame habitait « seule » dans son appartement de 5 pièces et demi situé à Cowansville. En fait, la dame était la seule personne y habitant, le reste de l’espace étant occupé par une quarantaine de chats (nul n’ayant réussi à identifier le nombre exact) et 2 chiens.  Selon le jugement, ce logement était rempli d’excréments, d’une saleté indescriptible, d’une odeur épouvantable et présentait bon nombre de dangers pour ses occupants, tant au niveau de la salubrité que de la protection contre les incendies. De fait, la Cour écrit que le logement en lui-même était une gigantesque litière pour chats.

Le Tribunal conclut que malgré les reproches formulés par la dame, la Ville a eu entièrement raison de l’évincer temporairement, de condamner le logement et d’ordonner au propriétaire de faire les travaux requis pour le remettre en état, car ce logement était dangereux au plus haut point. Le danger n’était pas seulement limité à ses occupants, mais aussi à tous les autres résidents du bloc appartement.

Là où la Cour conclut à une faute de la ville concerne le traitement des chats. En effet, lors la visite des représentants de la ville, plusieurs chats se sont sauvés lorsque la porte-patio a été ouverte pour tenter de ventiler l’odeur pestilentielle et l’air vicié à l’intérieur. 31 d’entre eux ont pu être capturés et ont été ensuite déplacés au garage municipal afin d’y être installés temporairement, avec tous les soins requis. Quelques jours plus tard, comme la S.P.A. ne pouvait pas reprendre tous ces chats et que la dame n’avait pas cette possibilité, n’ayant pas récupéré son logement, la ville euthanasie 27 chats. La dame peut en récupérer 3. La dame poursuit la ville pour 93 000 $.

Le Tribunal conclut que la ville aurait dû plutôt laisser les chats à l’intérieur du logement insalubre temporairement, le temps d’obtenir une autorisation de la Cour pour les déplacer ailleurs. En attendant, elle aurait dû fournir tous les soins requis aux chats, tels la nourriture, l’eau, la litière, etc. En effet, il ne s’agissait pas de chats errants mais bien de chats appartenant à la dame. Or, la ville ne pouvait passer par-dessus le droit de propriété de la dame. De plus, elle aurait dû obtenir une autre autorisation pour l’euthanasie, ou respecter les directives de la Cour pour éviter l’euthanasie. La ville n’a cependant pas soumis le dossier à la Cour et a décidé elle-même de la suite des événements. Cette absence d’autorisation du Tribunal est une faute.

La Cour n’est pas tendre envers la dame et constate que cette dernière maltraitait ses chats, en raison des conditions de vie qu’elle leur procurait et de l’absence de soins de base. Cela étant dit, la ville n’avait pas le droit de tuer les chats appartenant à la dame sans y être autorisée avant. Un montant de 2 000 $ est accordé à la dame pour la valeur des chats euthanasiés, car d’un point de vue légal, les animaux domestiques sont considérés comme des biens. Par ailleurs, un montant de 2 500 $ est accordé à la dame pour sa souffrance et sa tristesse suite à la capture et l’euthanasie de ses chats.

Lire la décision : http://www.canlii.org/fr/qc/qccs/doc/2015/2015qccs5120/2015qccs5120.pdf