Un échange de service peut-il être considéré comme étant un travail rémunérateur?

Madame A. E. conteste une décision rendue en révision par le ministre de l’Emploi et de la solidarité sociale, lequel soutient qu’elle travaille sans déclarer ses revenus et lui réclame la somme de 74 824,40 $ à laquelle s’ajoutent des frais administratifs de 100 $ pour fausse déclaration. Voici les faits.

Suite à une dénonciation que le ministère reçoit, il dirige le dossier vers son service d’enquête. Les éléments de l’enquête l’amène à conclure que madame omet de lui déclarer des revenus de travail et considère donc justifié de lui réclamer des sommes versée, et ce,  relativement à ses programmes pour personne seule et bénéficiant de solidarité sociale. La preuve du ministère repose sur une demande de logement faite par madame dans laquelle elle y mentionne travailler depuis deux ans et recevoir 50 $ par jour à raison de quatre jours par semaine.

Lors de son témoignage madame confirme fréquenter un restaurant depuis 2003, mais qu’il s’agit essentiellement d’un lieu de socialisation pour elle, car elle se sent isolée. Elle explique qu’elle n’a jamais reçu d’argent ou de salaire de la part du restaurateur, mais qu’elle donne un coup de main en période d’achalandage. En contrepartie, elle peut manger et même repartir avec des repas «gratuitement». Elle mentionne également avoir des crises de panique depuis de nombreuses années, ce qui affecte son fonctionnement. Elle ne peut s’impliquer dans aucune activité régulièrement puisqu’elle ne sait jamais si elle sera en mesure d’y participer, en raison de son état. Elle précise finalement qu’elle peut être absente du restaurant parfois pendant trois semaines consécutives.

De la preuve, le tribunal retient le témoignage de madame comme étant crédible. Elle admet spontanément ses activités au restaurant et que ses activités varient selon l’achalandage au restaurant ainsi que selon sa capacité à les effectuer. Elle n’est soumise à aucun horaire de travail et aucune tâche spécifique n’est attendue par le restaurateur. Il n’y a d’ailleurs aucun enrichissement de la part du restaurateur en utilisant les services de madame et il n’engage personne afin de pallier à son absence. Aucun contrat n’est signé. Il s’agit tout au plus d’un échange de services où madame offre son aide ponctuellement en échange de nourriture.  Par conséquent, le tribunal annule la réclamation du ministre de l’Emploi et de la solidarité sociale et annule des frais pour fausse déclaration.

Lire la décision : https://www.canlii.org/fr/qc/qctaq/doc/2017/2017canlii52847/2017canlii52847.html?autocompleteStr=SAS-M-223372-1404&autocompletePos=1