Le délai de prescription en matière pénale

En matière municipale, lorsque vient le moment d’appliquer la réglementation,  les officiers municipaux sont parfois confrontés à un problème de prescription, soit en raison du délai écoulé depuis la perpétration de l’infraction, soit parce qu’il leur est impossible de déterminer la date de la perpétration de l’infraction.

En effet, il arrive que le territoire à couvrir soit grand ou encore que certains endroits soient moins faciles d’accès, faisant parfois en sorte qu’un certain délai s’écoule entre la date de la perpétration de l’infraction et la date de la connaissance par l’autorité compétente de la perpétration de l’infraction.

Pour pallier à une telle problématique, une municipalité peut-elle prévoir que le délai pour déposer une poursuite pénale commence à courir seulement au moment de cette constatation, plutôt qu’au moment où l’infraction a été commise?

Le Code de procédure pénale (C.p.p.) prévoit, à son article 14 que : « 14. Toute poursuite pénale se prescrit par un an à compter de la date de la perpétration de l’infraction.

Toutefois, à l’égard d’une disposition spécifique, la loi peut fixer un délai différent ou fixer le point de départ de la prescription à la date de la connaissance de la perpétration de l’infraction ou à la date où se produit un événement déterminé par cette loi. »

[nos soulignements]

La Cour supérieure s’est penchée sur cette question en décembre dernier dans l’affaire Landry c. MRC D’Arthabaska[1].

Le mot « loi », prévu au deuxième alinéa de l’article 14 C.p.p. (cité ci-dessus), inclut-il la notion de règlement municipal? C’est essentiellement la question à laquelle la Cour supérieure a répondu.

Le dossier en cause visait précisément l’article 58 du Règlement no 275 de la MRC, relativement à l’abattage d’arbres, lequel se lit comme suit :

« Une poursuite pénale pour une infraction à une disposition du présent Règlement se prescrit par un an, à compter de la date de la connaissance, par le poursuivant, de la perpétration de l’infraction. »

Dans son analyse, le juge souligne d’abord la référence à divers règlements municipaux dans le Code de procédure pénale ce qui lui donne, selon le juge, une portée « universelle ». Puis, considérant l’application du C.p.p. aux recours pénaux engagés par les municipalités, il conclut que l’article 14 C.p.p. s’applique aux règlements municipaux ou paramunicipaux.

Considérant que le deuxième alinéa permet de déroger à la norme de la prescription d’une année pour une infraction pénale, le juge conclut qu’une municipalité peut bénéficier de cette dérogation, à condition qu’elle ait adopté une disposition spéciale à cet effet.

Cette disposition spécifique dans le règlement permet au citoyen de retrouver dans la réglementation ce à quoi il est assujetti.

L’article 58 du règlement de la MRC, prévoyant que le calcul du délai de prescription de l’infraction pénale courait à compter de la connaissance par le poursuivant de la perpétration de l’infraction, a donc été jugé valide.

Ainsi, cette décision de la Cour supérieure, confirme en appel la décision de la Cour municipale et reconnaît le droit des municipalités d’inclure une disposition spécifique  dans leur règlement afin de modifier le délai de prescription des recours de nature pénale. Une telle disposition pourra faciliter l’intervention de l’autorité compétente et assurer le respect de la réglementation municipale.

À noter cependant que cette décision a de nouveau été portée en appel.  Cet appel sera  entendu dans les prochains mois.  Nous invitons donc les municipalités à faire preuve de retenue dans  la modification de leur réglementation en ce sens, dans l’attente d’une décision en appel.

Lire la décision : https://www.canlii.org/fr/qc/qccs/doc/2017/2017qccs5330/2017qccs5330.pdf

[1] 2017 QCCS 5330 (CanLII), pourvoi en appel en attente.