Bell Mobilité a-t-elle été trop gourmande en réclamant à ses clients, qui résilient leur contrat à durée fixe, des pénalités pour compenser les profits perdus?

Oui, répond la Cour d’appel du Québec dans une décision rendue le 20 septembre dernier. Elle confirme ainsi la décision de la Cour supérieure, qui s’était prononcée dans le cadre d’une action collective (appelée « recours collectif » avant le 1er janvier 2016).

Notons qu’au 30 juin 2010, la Loi sur la protection du consommateur a été modifiée afin de poser des nouvelles règles concernant la résiliation de contrats à durée déterminée, tels les contrats de téléphonie cellulaire. Le présent dossier concerne des contrats antérieurs qui n’étaient pas affectés par ces modifications, et donc demeuraient régis par l’ancienne législation.

Le problème provient lorsque les clients résilient (mettent fin) à leur contrat avant qu’il arrive à son échéance, alors que les clients avaient obtenu des rabais en concluant le contrat (souvent un appareil cellulaire gratuit ou à bas prix), étant donné qu’ils s’engageaient pour 2 ou 3 ans, par exemple.

À cette époque, il n’y avait pas de règle législative précise sur le montant qu’avaient droit de réclamer les fournisseurs de service, mais seulement des principes généraux au Code civil du Québec et à la Loi sur la protection du consommateur. Or, les contrats de Bell Mobilité étaient clairs sur la façon de calculer les frais de résiliation et ces contrats ont été respectés. La contestation en justice a donc été faite sur le caractère abusif des clauses des contrats.

En matière de résiliation de tels contrats, avant échéance, le Code civil du Québec prévoit que le fournisseur de service a droit d’être dédommagé. Bell Mobilité avait donc inclus une clause dans ses contrats, obligeant les consommateurs à lui verser une somme en dédommagement. Cette somme visait à compenser le coût occasionné à Bell Mobilité (son prix coûtant tenant compte du rabais donné au départ) ainsi que la perte de profits anticipés pour le reste du contrat.

Il est vrai que lorsqu’une partie à un contrat y met fin de manière fautive, le Code civil du Québec permet de réclamer la perte de profits futurs. Toutefois, dans un contrat de service comme les contrats de téléphonie cellulaire, la Cour d’appel rafraîchit la mémoire de Bell Mobilité en lui indiquant que c’est la loi qui prévoit spécifiquement le droit de mettre fin au contrat avant terme. Le contrat doit aller dans le même sens. Donc, ce n’est pas une résiliation fautive qui est effectuée, mais une résiliation autorisée. Il serait alors inapproprié que les conséquences de ces deux types de résiliation soient les mêmes!

La Cour juge donc que la clause incluse par Bell Mobilité dans ses contrats, concernant les frais de résiliation, est abusive. Comme elle contient un dédommagement pour le coût (prix coûtant) et les profits futurs, la Cour retranche la portion relative aux profits futurs. Le consommateur qui résilie le contrat avant échéance doit verser à Bell Mobilité un montant équivalent à ce que Bell perd au niveau du coût (prix coûtant) seulement. Bref, Bell Mobilité n’a pas à perdre de l’argent avec la résiliation, mais n’a pas à faire du profit comme si le contrat était allé jusqu’au bout…

La Cour d’appel confirme ainsi la condamnation de Bell Mobilité à verser globalement la somme de 991 000 $ pour avoir imposé des frais de résiliation anticipés trop élevés.

Lire la décision : http://www.canlii.org/fr/qc/qcca/doc/2016/2016qcca1496/2016qcca1496.pdf