Avis aux propriétaires de logement : exercez votre droit avant qu’il ne parte en fumée!
Le cannabis étant sur le point d’être légalisé suite à l’initiative du gouvernement Trudeau, les gouvernements des provinces doivent l’encadrer pour les domaines touchant leurs compétences. C’est pourquoi le projet de loi 157 a été adopté le 12 juin dernier, mais n’entrera en vigueur que lorsque la légalisation du cannabis sera effective. Bien que ce soit le fédéral qui ait juridiction en matière de loi criminelle, le Québec a quant à lui le pouvoir de légiférer pour encadrer la propriété et les droits civils en vertu du partage des compétences de la Loi constitutionnelle de 1867. Autrement dit, chacun des gouvernements a uniquement le droit de jouer dans son propre carré de sable, sans quoi sa loi sera déclarée inconstitutionnelle. Le carré de sable du gouvernement de M. Couillard, en ce qui concerne le cannabis, est entres autres la façon dont le produit sera vendu et les endroits où il pourra être consommé. Le fédéral n’a pas son mot à dire sur ces enjeux civils.
Le droit civil a souvent pour objet de tracer la ligne afin que la liberté de l’un n’empiète pas sur celle de l’autre. L’imminente légalisation de la marijuana représente un défi pour le gouvernement québécois qui a la tâche de juger dans quelle mesure la liberté de fumer sera protégée. La question s’avère d’autant plus délicate en matière de louage. En effet, le Code civil du Québec accorde au locataire le droit d’avoir la jouissance paisible des lieux. Cela dit, cette entière jouissance des lieux permet autant de justifier le droit de fumer que le droit de respirer un air libre de fumée. En permettant au locateur de modifier les dispositions de son bail afin d’interdire la consommation de cannabis par ses locataires, le projet de loi 157 s’est positionné au regard de cette question. Cette permission spéciale est effective dans un délai de 90 jours suivant l’entrée en vigueur du présent projet de loi, après quoi il sera impossible de modifier un bail en vigueur afin d’y ajouter cette interdiction. L’avis de modification du bail du locateur qui ne sera pas contesté à l’intérieur d’un délai de 30 jours sera réputé valide et applicable. Dans l’éventualité d’une contestation du locataire, un second délai de 30 jours sera accordé au locateur afin de demander à la Régie du logement de se prononcer sur l’applicabilité de cette modification.
La jurisprudence se positionne également à l’effet que le droit à la libre consommation de cannabis dans son logement résidentiel ne peut s’avérer un motif suffisant pour justifier l’atteinte à la jouissance du logement des autres locataires. Effectivement, selon la Cour Suprême du Canada :
Le droit à la vie privée n’emporte pas le droit de s’intoxiquer volontairement ni celui de posséder ou de cultiver du cannabis, peu importe que ce soit pour le consommer personnellement chez soi ou non.
Autrement dit, le droit de fumer librement n’est pas un droit fondamental. Les tribunaux ne protégeront pas une pratique nocive pour la santé, et ce, surtout si on l’oppose au droit de respirer un air sain libre de fumée secondaire.
Qu’en est-il du droit de cultiver librement des plants de cannabis à la maison? Bien que le gouvernement fédéral permette une telle pratique, le gouvernement québécois l’interdit. Pour les fins de cette question, le partage des compétences ne définit pas clairement quelle juridiction aura préséance. La Cour Suprême se penchera assurément bientôt sur la question.
À suivre…