À deux c’est mieux, mais…
Au Québec plus de 50% de couples de moins de 35 ans décident de vivre en union de fait. C’est une forte tendance qui s’inscrit dans le courant d’un changement sociétal qui bouscule plusieurs sphères de nos vies. Pensons oui, à l’organisation familiale mais également à la conciliation travail-famille, aux pratiques religieuses, etc…
Ces couples qui décident de faire vie commune connaissent peu leurs droits. Plusieurs mythes circulent d’ailleurs quant aux relations juridiques qui régissent les conjoints de fait : « nous vivons ensemble depuis 5 ans, c’est comme si nous étions mariés » ou encore, « tous les biens que nous avons acquis ensemble en cours d’union seront partagés également en cas de rupture ». Il est donc primordial de s’informer afin de prendre les bonnes décisions.
Il faut évaluer la situation des conjoints de fait à trois niveaux :
Ce que le Code civil prévoit
Sachez d’abord que trois, cinq ou même vingt ans de cohabitation ne vous confèrent pas le statut légal d’une personne mariée ou unie civilement. À part quelques exceptions qui traitent notamment du consentement aux soins, de l’adoption et du maintien dans les lieux loués, le Code civil du Québec ne reconnaît pas l’existence des conjoints de fait.
À l’égard de la résidence familiale
Un conjoint de fait qui est seul propriétaire de la résidence familiale peut la vendre ou l’hypothéquer sans le consentement de son conjoint. Aucun consentement n’est requis dans telles situations contrairement à ce que le Code civil du Québec offre comme protection aux couples légalement mariés ou unis civilement.
À l’égard du patrimoine familial
Les règles du patrimoine familial s’appliquent seulement aux couples mariés ou unis civilement. Les conjoints de fait n’ont aucune obligation légale de partager leurs biens. Cependant, sur entente ou conformément à ce qui serait prévu dans le contrat de vie commune, la valeur de certains biens pourrait être partagée. Aussi, si les conjoints de fait ont acquis un bien indivisément, ils s’assurent d’une protection efficace et ils pourront lors de la revente, profiter de la plus-value acquise pendant l’union. En cas de rupture, le bien devra être vendu et le prix sera partagé selon les modalités établies ou encore, un des conjoints rachètera la part de l’autre dans ce bien. En d’autres termes, chaque conjoint demeure propriétaire de ce qui lui appartient d’où l’importance de conserver les factures ou tout document qui permet d’établir la propriété.
À l’égard du conjoint le plus pauvre
Malgré tout le tapage médiatique de l’affaire Lola c. Éric, la situation juridique des conjoints de fait au Québec n’a pas changé : un conjoint de fait ne peut réclamer pour lui-même une pension alimentaire de l’autre conjoint. Un contrat de vie commune pourrait toutefois prévoir le versement d’une telle contribution financière.
À l’égard des enfants
L’enfant né d’une union de fait a les mêmes droits et les mêmes obligations que l’enfant issu du mariage ou de l’union civile. Donc nul besoin pour les parents de l’adopter. Comme pour tout autre enfant, il pourra porter le nom de la mère, le nom du père ou une combinaison des deux. Si le couple se sépare, une pension alimentaire pourra être versée pour les enfants et à moins de motifs graves, tels que violence, abus de drogues ou d’alcool, les deux parents ont accès à leur enfant. Les deux parents continuent également à exercer l’autorité parentale et doivent se consulter pour toute question importante relative, entre autres, à l’éducation des enfants.
En cas de décès
Même après 35 ans de vie commune ou même si des enfants sont nés de l’union, les conjoints ne sont pas des héritiers légaux au sens du Code civil du Québec. En d’autres termes, ils n’héritent pas l’un de l’autre au décès. La seule façon de permettre que le conjoint de fait hérite est de le prévoir par testament. À défaut, ce sont les enfants du défunt ou sa famille qui recevront l’héritage, conformément aux règles de la dévolution légale établies par le Code civil du Québec.
La règle est similaire en matière d’assurance-vie. Pour en toucher le produit, le conjoint de fait survivant doit au préalable avoir été désigné comme bénéficiaire, soit dans la police directement, soit dans le testament du défunt.
Le contrat de vie commune
Signé devant notaire ou devant témoins, le contrat de vie commune devient le « contrat de mariage » sur mesure des conjoints de fait. Il contient toutes les ententes intervenues entre les deux conjoints que ce soit au niveau de l’établissement de l’avoir, du partage des dépenses, des responsabilités ou du partage des biens. C’est dans ce document que les conjoints de fait reconnaîtront par exemple un apport d’un des conjoints supérieur à sa quote-part, un don effectué par les parents d’un des conjoints, l’utilisation d’un héritage pour des rénovations, les contributions en biens ou en services, etc… Ce contrat étant signé alors que tout va pour le mieux entre les deux amoureux, leurs priorités et leurs principes y sont clairement établis. En signant un contrat de vie commune, les conjoints de fait mettent par écrit des ententes claires qui seront respectées en cas de rupture, qui éviteront un litige coûteux en temps et en argent ou des mésententes qui peuvent être néfastes pour la famille. Seules les deux parties au contrat peuvent le modifier.
Ce que la loi fiscale prévoit
On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre! Les conjoints de fait se doivent d’être transparents et déclarer aux autorités fiscales leur réelle situation conjugale. D’ailleurs, se déclarer célibataires pour fins fiscales ne permet pas une grosse économie d’impôt par rapport au risque encouru d’être reconnu coupable de fraude fiscale.
Considérer ou non son conjoint comme un conjoint sur le plan fiscal n’est pas un choix. Au niveau de la fiscalité, la définition de conjoint inclut un conjoint de fait c’est-à-dire une personne qui vit dans une relation conjugale avec une autre depuis au moins un an (ce délai ne s’applique pas si un enfant est né de l’union). Qu’est-ce qu’une relation conjugale? Les critères suivants peuvent être considérés : le logement commun, les relations amoureuses, le partage des tâches, les rôles sociaux, la perception de la société et le partage des dépenses.
Ce que les lois particulières prévoient
Certaines lois provinciales et fédérales incluent le conjoint de fait dans leur définition de conjoint. Habituellement, les conjoints de fait pourront bénéficier des avantages que ces lois offrent s’ils font vie commune depuis plus de 3 ans, ou, si un enfant est né de leur union, un an. À titre d’exemple, un conjoint de fait décède dans un accident de la route alors qu’il faisait vie commune avec son conjoint depuis cinq ans. Le conjoint survivant aura droit aux prestations de la Société Automobile du Québec. Voici un autre exemple : des conjoints de fait mettre fin à leur union qui aura duré 12 ans. Ils peuvent partager les gains accumulés à Retraite Québec (autrefois la Régie des rentes du Québec). Dans toutes ces situations, le contrat de vie commune s’avère utile pour prouver la date de début de la vie commune et la relation conjugale.
La vie à deux est synonyme d’obligations, de responsabilités et de conséquences juridiques. Trop de couples vivent une relation d’union de fait sans se questionner sur les impacts de leurs décisions. Pourtant, tout est à portée de main pour bien s’informer, se protéger et s’assurer d’un respect mutuel. Des documents peuvent s’adapter à toutes les situations. Il suffit d’être bien conseillé.